#NotAllMen
Retranscription d'une partie de l'entretien entre Giulia Foïs, Guillaume Meurice et Juliette Arnaud dans l'emission La dernière du 4 mai 2025
Le NotAllMen (pas tous les hommes) c'est un réflexe qui est, je pense, aussi vieux que le patriarcat. Je pense qu'il est né avec pour bien verrouiller tout ça. En revanche, le hashtag #NotAllMen est né il y a une dizaine d'années et en fait rien que son histoire, l'histoire de sa naissance dit à quel point il est nauséabond. C'est à dire que vous avez une tuerie de masse de femmes en Californie, il y a une dizaine d'années, Elliot Rodger qui est l'auteur de cette tuerie a revendiqué sa misogynie la plus crasse. On a trouvé sur ses écran, téléphone portable etc des contenus violemment misogynes donc le mobile était assez clair. Et là, il y a une première déferlante de messages sur Twitter de nanas qui racontent ce qu'elles subissent ou ce qu'elles ont subi et ces messages se concluent toujours avec ce hashtag #YesAllWomen (oui toutes les femmmes). Il ne s'est pas passé beaucoup de temps, je pense que ça se compte en nombre d'heures, pour qu'on voie déferler une deuxième vague #NotAllMen, de mecs qui arrivaient pour expliquer à ces nanas-là, dont la colère, la révolte même était éminemment respectable et elle aurait dû au moins nous fermer nos gueules à toutes et à tous et qu'on soit capables d'entendre, au moins ça, réfléchir c'est l'étape d'après, mais au moins respecter cette parole-là. Hé bien non ! Non, arrive le #NotAllMen, arrivent des dizaines de gars qui savent mieux qu'elles ce dont elles parlent et ce qu'elles ont vécu pour leur expliquer, pour leur faire la leçon sur le fait que non tous les hommes ne violent pas comme si c'était vraiment ça la question. Ça c'est la première occurrence avec le hashtag #NotAllMen et à partir de là c'est systématique de toute façon puisque le problème est systémique et que ça fait partie du problème, c'est systématique à chaque récit de violences faites aux femmes très très vite sur les réseaux au troisième ou quatrième commentaire vous aurez quelqu'un pour vous expliquer que non tous les hommes ne cognent pas, ne violent pas, ne harcèlent pas comme s'ils méritaient des lauriers pour ça.
− Ça dépolitise en fait, ça renvoie au fait divers
− Voilà C'est-à-dire que si tous les hommes ne violent pas et que toi t'en as rencontré un c'est toi le problème
[...]
C'est une mécanique de prise de pouvoir, c'est-à-dire qu'au moment où tu me racontes quelque chose soit parce que ça t'est arrivé soit parce que tu as entendu parler d'une affaire, je t'interromps, ça c'est du manterrupting, je reprends la main sur la conversation , je décide moi de l'endroit où elle doit aller, [...] et c'est une façon ensuite de mansplainer, donc d'expliquer le sujet à la personne d'en face et d'imposer une vision des choses qui va permettre à tout le monde de dormir tranquille, l'idée selon laquelle finalement le viol c'est l'extra-ordinaire et que, si on en croit Emmanuel Todd, dans la plupart des cas, aujourd'hui, en France, entre les hommes et les femmes tout se passe aujourd'hui très bien
− On sort du procès Mazan, on se disait que comme il y avait cinquante et un accusés, on se disait qu'on allait pas entendre tout de suite #NotAllMen, et en fait si
− Immédiatement. C'est une façon de s'enfoncer dans ce que j'appelle le déni français : c'est-à dire, je ne veux pas voir, je ne veux pas entendre et je fais semblant d'oublier que laisser faire c'est finir par être complice d'un système que je laisse perdurer et un système qui permet, il faut quand même le rappeler, un viol ou une tentative de viol toutes les deux minutes trente et au bout du compte c'est 0,6% des viols qui finissent condamnés aux assises. C'est ça qu'on laisse faire en disant #NotAllMen, c'est pour ça que c'est au-delà de problématique.
Giulia Foïs, autrice de « Pas tous les hommes quand même ! » (ISBN 2488115002)
La dernière emission du 4 mai 2025 https://podcasts.nova.fr/la-derniere-du-4-mai-2025-avec-giulia-fois